« Ces élections aujourd’hui vous paraissent une formalité grotesque, universellement menteuse, truquée de toutes parts. Et vous avez le droit de le dire.
Mais des hommes ont vécu, des hommes sans nombre, des héros, des martyrs, et je dirai des saints, – et quand je dis des saints je sais peut-être ce que je dis, – des hommes ont vécu sans nombre, héroïquement, saintement, des hommes ont souffert, des hommes sont morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles aujourd’hui ait le droit d’accomplir cette formalité truquée.
Ce fut un terrible, un laborieux, un redoutable enfantement. Ce ne fut pas toujours du dernier grotesque. Et des peuples autour de nous, des peuples entiers, des races travaillant du même enfantement douloureux, travaillent et luttent pour obtenir cette formalité dérisoire. Ces élections sont dérisoires. Mais il y eu un temps, (…), un temps héroïque où les malades et les mourants se faisaient porter dans des chaises pour aller déposer leur bulletin dans l’urne. Déposer son bulletin dans l’urne, cette expression vous paraît aujourd’hui du dernier grotesque. Elle a été préparée par un siècle d’héroïsme. Non pas d’héroïsme à la manque, d’un héroïsme à la littéraire. Par un siècle du plus incontestable, du plus authentique héroïsme. Et je dirai du plus français. Ces élections sont dérisoires. Mais il y a eu une élection (…). «
Charles Péguy, « Notre Jeunesse »(1910) Folio Essais N°232, page 114.
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